Cela fait 29 ans (16 juin 1991-16 juin 2020) aujourd’hui que le monde célèbre la journée internationale de l’enfant africain. Un constat s’impose : la protection des droits de l’enfant en Afrique est très à la traîne comparée à d’autres secteurs en terme de développement. Il semble donc urgent de tirer les leçons des expériences passées et de réfléchir à de nouvelles pratiques novatrices afin de parvenir à une protection effective et efficace de l’enfant.
Cette approche de la protection de l’enfance fondée sur les droits humains est un moyen de s’orienter vers un cadre systémique plus large incluant les contextes juridiques internationaux, la capacité institutionnelle ainsi que l’évaluation et le suivi des droits de l’enfant en Afrique.
Un système normatif très élaboré
En effet, ces normes définissent des droits et libertés se fondant sur le respect de la dignité et de la valeur reconnue à chaque individu indépendamment de sa race, de sa religion, de son sexe, de ses opinions politiques et religieuses ou de ses facultés et s’appliquent donc à tous les enfants du monde.
C’est dans cette optique que des textes protégeant l’enfant ont été adoptés notamment la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989 qui est, en matière de droit de l’homme, le traité le plus universellement ratifié à nos jours. Avec ses deux protocoles, elle contient une série très complète de normes internationales juridiquement contraignantes pour la promotion et la protection des droits de l’enfant.
Au titre des normes internationales et régionales, l’on peut également citer les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE] qui s’inspirent de la CIDE en prenant également en compte les spécificités de l’enfant dans le contexte africain. Tous ces instruments constituent une référence solide pour que tous les enfants africains bénéficient des droits humains sans discrimination d’aucun ordre.
Pour en assurer une bonne application, chacun de ces textes a prévu un organe chargé de surveiller la façon dont les Etats s’acquittent des obligations s’y rapportant. Ces organes de contrôle exigent des Etats parties de soumettre des rapports périodiques afin de rendre compte de l’état d’exécution de leurs engagements et les incitent à prendre des mesures allant dans le sens d’internaliser les dispositions contenues dans les traités.
Ce procédé, connu sous le nom de domestication a permis à l’ensemble des Etats africains, parties à ces conventions, de légiférer y compris en réformant leur droit national afin de les rendre conformes aux instruments internationaux. Il a également permis aux juridictions nationales de se référer à ces normes dans le contexte de leur action visant à assurer l’application et l’interprétation du droit.
Le soutien apporté par la société civile et les organisations internationales mérite d’être cité car ces dernières contribuent de manière très remarquable à l’effort commun visant la protection générale de l’enfant au niveau national.
Une protection limitée de l’enfance
Face à la maltraitance notamment la mendicité et l’exploitation des enfants à des fins économiques et sexuelles qui, comme nous le savons, semble être la forme la plus visible de violations des droits de l’enfant, des mesures de protections ont été prises tant au niveau international que régional afin d’éradiquer entièrement ce phénomène en Afrique.
Il en est de même pour ce qui est du droit à l’enregistrement des naissances qui n’est pas garanti à tous les enfants et le système de justice juvénile ou les violations des droits de l’enfant sont également nombreuses.Tout ceci pour dire que des exemples de progrès et de réalisations liés à l’existence de ces conventions peuvent être cités tant au niveau international que national.
Cependant ces résultats bien que méritoires, demeurent faibles au regard des défis qui se posent. En effet la protection de l’enfance en Afrique trouve ses limites face à des fléaux relatifs à la pauvreté, aux pratiques traditionnelles préjudiciables, à la faim ou aux pandémies.
S’y ajoute le manque de volonté politique de la part des gouvernements notamment dans la mise en application de leurs engagements, sans omettre l’impuissance de la communauté internationale face à certaines situations de violations des droits de l’enfant. De même, la méconnaissance des droits de l’enfant de la part des parties prenantes aux niveau international, régional et national constitue une des causes de l’impunité qui entoure les nombreuses atteintes à ces droits.
Au vu des nombreuses violations dont font aujourd’hui l’objet les droits de l’enfant en Afrique, l’on pourrait se demander si les instruments juridiques des droits humains destinés à les protéger sont réellement efficaces.
Franchir le pas
Nous nous devons d’envisager de nouvelles méthodes de travail en vue de l’amélioration de la protection de l’enfance dans le monde. La révision du cadre juridique et politique actuel en matière de protection de l’enfant s’avère ainsi nécessaire. Sur ce point, l’adoption par la communauté internationale d’un protocole facultatif avec une procédure de plainte pourrait permettre de combler une lacune concernant la mise en œuvre des traités relatifs aux droits de l’enfant et doit donc être encouragée.
De même, les nouveaux Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030 qui ont remplacé les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en 2015, devraient pouvoir contribuer à instaurer un environnement plus protecteur pour les enfants.
Une attention particulière doit aussi être portée aux entreprises privées qui doivent elles aussi apporter leur pierre à l’édifice en participant à la promotion et à la protection des enfants. Et pour rendre possible toutes ces recommandations, il y’a un pas à franchir : c’est celui de la reconnaissance du nouveau statut de l’enfant, sujet de droit, qui est compétent, qui a quelque chose à nous dire, qui doit être mieux écouté sur les questions qui le touche, l’intéresse ou le concerne.
En somme, nous nous devons de réaliser que les droits de l’enfant impliquent l’imputabilité et la bonne gouvernance. C’est une question de démocratie et de droit à vouloir exprimer son point de vue. C’est ensuite une question de participation au processus décisionnel et au bout du compte, une question de ressource. Cela est vrai autant au niveau national qu’à l’échelle internationale, qu’il s’agisse des gouvernements, de la société civile, du secteur privé ou plus globalement de la communauté des donateurs.
Au niveau national, les gouvernements doivent allouer des crédits prioritaires à la réalisation des droits des enfants et donner une place adéquate à la société civile, y compris aux enfants pour qu’ils puissent y participer
Les ONG et le secteur privé doivent, à leur niveau, assumer leurs responsabilités et avoir comme ligne de conduite l’intérêt supérieur de l’enfant.
Les pays donateurs et les institutions internationales quant à eux doivent respecter leurs engagements.
Sans de tels engagements de la part de tous les partenaires, les textes en faveur de l’enfant resteront lettre morte. La protection de l’enfance est donc l’affaire de tous ; il faut de la volonté politique certes, mais aussi l’engagement de chacun d’entre nous…
Oumy Sya SADIO
Chargée de programmes à Amnesty International Sénégal