Sénégal. Renforcer les droits des filles par l’adoption du code de l’enfant et du projet de loi portant statut des daaras

Dans le cadre de la célébration de la journée internationale des droits des femmes, Amnesty International Sénégal a organisé une journée de consultation médicale gratuite suivie d’une causerie éducative en vue de renforcer les droits des filles par l’adoption du code de l’enfant et du projet de loi portant statut des daaras

Consultation médicale gratuite

La session d’ouverture de la journée d’activité dédiée aux droits des filles, tenue ce 8 mars 2025 au Daara Fatimata Bintou Rassoul, situé aux Parcelles Assainies unité 17, a débuté par une consultation médicale gratuite et la remise de médicaments et d’ordonnances aux jeunes filles du Daara. Ces consultations ont pu être possibles grâce à la présence de deux médecins. Au total, 115 jeunes filles de 05 à 16 ans ont été consultées par les deux médecins mobilisés pour l’occasion.

A la fin des consultations, les médecins ont positivement apprécié l’état de santé des pensionnaires, comme en atteste cete déclaration de Dr Badji.

Suite à la consultation nous avons constaté que la plupart des filles sont apparemment saines avec une bonne hygiène bucco-dentaire et corporelle. Cela reflète leur cadre de vie idoine et hygiénique. Nous félicitons les encadreurs de ce Daara et les encourageons pour une meilleure prise en charge de ces filles qui y vivent.

Dr Nestor BADJI, médecin

Son homologue, Dr Yacinthe SAMBOU a également validé le pronostic de son collègue après la consultation d’une cinquantaire de pensionnaires. Il a également relevé plusieurs cas de caries dentaires, environ 25 filles, qu’il faut prendre en charge dans les meilleurs délais.

Cette session de consultation médicale gratuite a servi de prélude à la causerie sur les droits des filles, avec différents intervenants

Causerie avec les leaders communautaires sur les droits des filles

Cette causerie a offert aux participants l’opportunité d’échanger sur le contenu du Code de l’enfant et du projet de loi sur le statut des daaras. Elle a été aussi tenue dans le but d’informer et outiller les communautés sur la problématique des violences faites aux filles en vue de favoriser une prise de conscience collective sur les droits des filles. Ainsi, l’évènement a réuni les jeunes filles pensionnaires des daaras, les maîtres coraniques, les badiénes gokh, les ndeyous daaras, les imams ainsi que les chefs de quartiers.

La causerie, modérée par Assane BOYE d’Amnesty International Sénégal, a permis à notre chargée de programmes femmes et enfants Oumy Sya SADIO de souligner l’importance qu’accorde notre organisation aux droits humains. Poursuivant son intervention, elle a insisté sur l’importance de cette causerie auprès des jeunes filles, rappelant que ces échanges leur permettent de mieux connaître leurs droits en matière d’éducation, de protection et de santé et les moyens de les défendre au quotidien.

Elle a par ailleurs mis en avant l’alignement de cette initiative d’avec le Projet de lutte contre la mendicité des enfants talibés, lancé il y a maintenant trois ans; projet qui visait à accélérer l’adoption du prohjet de statuts des daaras et le code de l’enfant, élaborés par le gouvernement du Sénégal depuis 2013. En initiant cette causerie, Amnesty International Sénégal entend impliquer directement des acteurs clés tels que les ndeyous daaras, les chefs de quartier et les imams. Leur présence et leur engagement dans ces discussions sont primordiaux afin qu’ils puissent apporter leur contribution et garantir ainsi une prise en compte de leurs avis. 

Prenant à son tour la parole, l’imam Moustapha CISSÉ a d’abord exprimé sa gratitude envers Serigne Saliou BOUSSO, responsable du daara et les maitresses pour leur engagement, ainsi qu’envers Serigne Moustapha GUEYE, président du département de Dakar. L’imam CISSÉ a souligné l’importance d’un tel événement en s’appuyant sur une expression wolof bien connue : “Jiggen moy lepp”, qui signifie que la femme est le pilier d’une communauté. Il a poursuivi en expliquant qu’il est souvent dit qu’une femme heureuse équivaut à cent hommes heureux, tandis que lui faire du tort revient à en faire à cent autres. Basant son propos sur un verset du Coran, il a rappelé que les femmes sont à la fois mères, tantes, épouses, sœurs et grands-mères, et que leur bien-être conditionne celui de toute une société, tout comme leur souffrance peut en affecter l’ensemble.

Il a enfin insisté sur l’importance du respect des droits des enfants, notamment leur droit à l’alimentation, à l’hygiène, à la sécurité et à la protection, des principes que les daaras ont le devoir de garantir. Il en va de même pour les droits des femmes, qui doivent être respectés à tout âge, aussi bien pour les jeunes filles que pour les femmes plus âgées.

Serigne Talla DIOP, trésorier de l’association des maitres coraniques des Parcelles Assainies s’est quant à lui salué l’organisation de cette journé et adressé des remerciements particuliers à Amnesty International Sénégal pour l’initiative. Il a souligné l’importance des consultations médicales gratuites offertes aux élèves des daaras, ainsi que la remise de médicaments et d’ordonnances, qui contribuent à leur bien-être.

Serigne Moustapha GUEYE a, à son tour, mis en avant le rôle fondamental des femmes dans la société, rappelant qu’elles en sont les piliers, notamment parce qu’elles donnent la vie. Il a ensuite insisté sur l’importance de cultiver des valeurs telles que l’humilité et la rigueur, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, soulignant que ces qualités sont des atouts essentiels à développer et que les daaras doivent, à travers l’enseignement du Coran aux enfants, leur inculquer ces principes essentiels. 

A la suite des Imams, les ndeyous Daaras, Marième SOW et Khady NDIAYE ont souligné la pertinence de cette causerie, tenue à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Elles ont insisté sur l’importance pour les pensionnaires des daaras de prendre conscience de leurs droits, à la fois en tant que femmes et en tant qu’enfants, afin de mieux les connaître, les revendiquer et les défendre.

Enfin, l’imam Moustapha CISSÉ a repris la parole pour mettre en lumière les projets de loi relatifs au statut des daaras et au code de l’enfant. Il a affirmé que tous les dignitaires religieux présents, soutiennent pleinement les causes défendues dans ce cadre. Il a également salué l’engagement d’Amnesty International, soulignant que cette organisation œuvre pour les droits de tous, sans distinction. Il établit un parallèle avec les daaras, rappelant que ces institutions sont ouvertes à tous et ne refusent à personne l’accès à l’enseignement du Coran. 

La rencontre s’est ensuite achevée par un échange entre l’imam et les élèves des daaras sur la question des droits de l’enfant.