Cameroun. Près de 60 membres de l’opposition torturés par les forces de sécurité
Les autorités camerounaises doivent diligenter une enquête indépendante sur les violents coups et les mauvais traitements auxquels 59 membres de l’opposition – dont six femmes – auraient été soumis durant leur interrogatoire au secrétariat d’État à la Défense (SED). Avant d’être relâchées, ces personnes ont été frappées à coups de bâton par les forces de sécurité et contraintes de se mettre dans des postures humiliantes.
Amnesty International demande également la libération immédiate du dirigeant de l’opposition, Maurice Kamto, et de plus d’une centaine d’autres sympathisant·e·s détenus arbitrairement depuis six mois uniquement pour avoir participé pacifiquement à des manifestations.
Comme beaucoup d’autres centres de détention non officiels du Cameroun, le SED a la réputation de torturer les détenus. Ces tactiques répressives et violentes destinées à réduire l’opposition au silence doivent cesser. Les autorités judiciaires doivent enquêter sur les allégations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements à l’encontre de ces 59 membres de l’opposition, et prendre des mesures concrètes pour traduire en justice les auteurs de ces actes.
Les 59 membres de l’opposition ont été arrêtés le 1er juin 2019 dans la capitale, Yaoundé, lors d’une manifestation pacifique planifiée. Conduits au SED pour y être interrogés à propos de cette manifestation, ils ont été torturés et détenus arbitrairement par les forces de sécurité, qui les ont aussi avertis qu’ils auraient tout intérêt à ne pas participer à une autre manifestation prévue une semaine plus tard.
Amnesty International a interrogé plusieurs membres de l’opposition aujourd’hui libres qui ont été victimes de torture ou d’autres mauvais traitements. Ces personnes ont décrit l’utilisation de différentes techniques, telles que des coups et des exercices physiques difficiles, y compris contre les femmes.
Une femme libérée le 3 juin a ainsi raconté à l’organisation :
« Quand nous sommes arrivés, les gendarmes nous ont demandé de faire des exercices physiques, genoux et hanches fléchis, les bras écartés pour l’équilibre […] Ils sont passés à côté de nous et m’ont donné des coups pied dans la tête et les fesses […] Ensuite, ils nous ont ordonné de nous rouler par terre tandis qu’ils continuaient à nous donner des coups de pied avec leurs chaussures […] Ils nous ont fait monter et descendre les escaliers en canard. Puis j’ai dû faire des pompes avec les hommes jusqu’à ce que n’en puisse plus. Alors, j’ai été de nouveau frappée avec une ceinture. »
Une autre des personnes libérées a raconté avoir reçu des coups de bâton, de câble et de matraque :
« … Nous avons été emmenés au SED, où des gendarmes nous attendaient. Chacun d’eux était armé d’un bâton, d’un câble et d’une matraque, avec lesquels ils nous ont frappés sur les oreilles et sur le corps. Ensuite, ils nous ont forcés à marcher comme des canards dans la boue. Nous étions 53 hommes et six femmes ; certaines personnes pleuraient, choquées et traumatisées. Après notre libération, j’ai passé plus d’une semaine à l’hôpital pour des fractures, des contusions et le traumatisme. »
Si certains de ses partisans ont été libérés, Maurice Kamto, arrêté le 28 janvier 2019, se trouve toujours derrière les barreaux six mois plus tard.
Le 11 juillet 2019, un tribunal militaire s’est déclaré compétent pour juger le dirigeant de l’opposition et 107 autres personnes, confirmant leur inculpation pour rébellion, hostilité contre la patrie, incitation à l’insurrection, outrage au président de la République et destruction de bâtiments et biens publics. Dans la même décision, il a acquitté 61 autres membres de l’opposition, dont il a ordonné la remise en liberté. En vertu du droit international, les tribunaux militaires ne doivent pas être compétents pour juger des civils.
En janvier 2019, près de 300 sympathisant·e·s du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) avaient été arrêtés arbitrairement en même temps que Maurice Kamto. Des arrestations massives ont aussi eu lieu les 1er et 8 juin 2019. À Douala, où plus de 200 manifestant·e·s ont été arrêtés de façon arbitraire, 30 personnes se trouvent encore en détention administrative dans l’attente de leur comparution devant un tribunal de droit commun.
En confirmant que les membres de l’opposition seront jugés devant un tribunal militaire, les autorités camerounaises bafouent le droit international. Maurice Kamto et ses partisans risquent de ne pas bénéficier d’un procès équitable et pourraient encourir la peine de mort, ce qui est une éventualité profondément préoccupante. Maurice Kamto et ses sympathisant·e·s n’auraient même jamais dû être arrêtés. Les autorités doivent les libérer immédiatement et abandonner toutes les charges retenues contre eux.