Sénégal. Défenseurs des droits humains en état de précarité

De la nécessité d’adopter une loi de protection

La Coalition Sénégalaise des Défenseurs des Droits Humains (COSEDDH) a rendu public le jeudi 26 décembre 2024, son premier rapport sur la situation des défenseurs des droits au Sénégal. C’est d’ailleurs le premier sur le sujet comme l’a mentionné Seydi GASSAMA, président de la COSEDDH, lors de la conférence de presse de lancement.

L’examen de l’environnement de travail des défenseurs des droits humains au Sénégal met en exergue une précarité de leur situation. Assimilés en règle générale à des vecteurs de contestation du pouvoir établi, les défenseurs des droits humains subissent des contraintes aussi bien en tant que citoyens ordinaires qu’en tant que militants d’une cause spécifique. Il s’y ajoute qu’au nom d’impératifs sécuritaires, des législations et pratiques liberticides sont promues.

L’interprétation des limitations liées à la liberté d’expression peut s’avérer problématique ou se prêter à une « instrumentalisation » à des fins politiques. Il en est de même des infractions liées à la diffamation, aux offenses et aux injures publiques, certaines dispositions de la loi relative au terrorisme qui sont susceptibles de laisser place à des interprétations abusives.

Si le régime juridique de la manifestation est celui de la déclaration, il n’en demeure pas moins que la pratique administrative de ces dernières années a démontré une tendance à transformer celui-ci en un régime d’autorisation. Les pouvoirs exorbitants de l’administration à ce sujet ont fini par vider de sa substance la liberté de manifester.

Il en est de même du régime déclaratif de l’association. Sur la période considérée, il a été noté des entraves à cette liberté de la part de l’autorité administrative dont le caractère « arbitraire » de certaines mesures a pu être dénoncé. Cet état de fait remet en cause par moment le droit à la liberté d’association, souvent dans des contextes de tensions politiques.

De telles préoccupations jurent d’avec l’évolution de la situation au niveau international qui tend précisément à reconnaître et à garantir l’action des défenseurs des droits humains. Au sein des Nations Unies, l’Assemblée Générale a adopté le 8 mars 1999, la « Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus ». L’Union africaine a également établi, depuis 2004, un rapport spécial sur les défenseurs des droits de l’homme.

Aux regards de ces constatations et remarques de la pratique de l’espace publique, qui rendent précaire la situation des défenseurs des droits de l’homme, il est urgent et impératif d’adopter une loi de protection des défenseurs des droits humains afin de protéger leur environnement et outils de travail. L’intérêt d’une telle loi réside, entre autres, dans la définition de la notion et l’identification claire des acteurs qui bénéficient de cet protection.

Dans la mesure où il est question d’adopter une loi de protection des « lanceurs d’alerte », il importe de veiller au risque de chevauchements indus entre une telle loi et le dispositif de protection des défenseurs des droits humains. Dans cette perspective, il est impératif de ne pas reproduire certaines limitations excessives de l’espace civique.

Au cours des dernières années, dans la région Afrique, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la République Démocratique du Congo (RDC) ont adopté une loi de protection des défenseurs des droits humains, reconnaissant ainsi leur rôle important dans la promotion et la protection des droits humains et l’observation des règles de bonne gouvernance économique et financière.

Au Sénégal, un avant-projet de loi de protection des défenseurs des droits humains, élaboré par la Coalition Sénégalaise des Défenseurs des Droits Humains, a été remis au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, au mois de mai 2024.