Les Mutilations Génitales Féminines : une lutte persévérante au Sénégal

Les Mutilations Génitales Féminines (MGF) autrement appelées excision, demeurent un problème de santé et de droits humains majeur dans de nombreuses régions du monde, y compris au Sénégal.

Au-delà de la simple description des initiatives anti-mutilations génitales féminines, cet article explore les dynamiques culturelles, sociales et économiques qui sous-tendent la persistance de ces pratiques dans des régions spécifiques du pays. En examinant les facteurs locaux qui contribuent à perpétuer les mutilations génitales féminines, nous cherchons à comprendre les nuances régionales de cette réalité complexe. Parallèlement, nous analyserons les stratégies innovantes mises en œuvre pour sensibiliser les communautés, éduquer les populations et encourager des changements positifs.

En adoptant une approche holistique, cet article aspire à mettre en lumière les succès et les défis spécifiques dans les régions de Tambacounda, Kédougou, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor, tout en contribuant à la discussion globale sur la nécessité de mettre fin aux mutilations génitales féminines au Sénégal. À travers ces réflexions, nous espérons susciter une prise de conscience accumulée, stimuler le dialogue et inspirer des actions concertées pour éradiquer cette pratique et promouvoir l’égalité des sexes et la protection des droits des femmes.

Les MGF au Sénégal : une pratique profondément enracinée

Les Mutilations Génitales Féminines sont une pratique culturelle préjudiciable qui implique l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes des femmes et des filles. Bien que cette pratique soit illégale au Sénégal depuis 1999, elle perdure dans certaines parties du pays en raison de facteurs culturels et sociaux profondément enracinés. Les régions de Tambacounda, Kédougou, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor, qui sont fortement influencées par des coutumes traditionnelles, conservent des zones où les MGF sont pratiquées, souvent dans le secret et en dépit des lois.

Les causes sous-jacentes

Plusieurs facteurs contribuent à la persistance des MGF dans ces contrées :

Tradition et croyances : Les MGF sont souvent perçues comme une tradition ancienne et un rite de passage dans ces communautés. On croit que cela préserve la pureté et l’honneur des femmes, bien que ces croyances soient largement discréditées.

Pression sociale : Les femmes et les filles sont souvent soumises à des pressions sociales pour se conformer à cette pratique, car elle est considérée comme un signe de respectabilité.

Manque de sensibilisation : Les populations locales peuvent manquer d’informations sur les conséquences néfastes des MGF, ce qui rend difficile la remise en question de cette tradition.

Efforts de lutte contre les MGF

L’Etat du Sénégal, en collaboration avec des organisations nationales et internationales, s’efforce de mettre fin aux MGF. Dans cette lutte contre les MGF, Amnesty International Sénégal à travers son programme éducation aux droits humains EDH au Sénégal a initié plusieurs projets sur la réduction du taux de MGF dans ces régions sus citées. La formation des acteurs et ou la sensibilisation reste la méthodologie la plus puissante que l’organisation utilise pour éduquer les communautés sur les dangers des MGF et promouvoir des alternatives culturelles plus sûres. Et aujourd’hui les résultats sont plus que visibles. Toute la communauté est impliquée notamment les enfants (les élèves) qui dénoncent les tentatives de MGF de façons anonyme. D’autres alliés stratégiques de cette lutte restent les hommes qui ont le statut de « chef de famille » qui refusent que leurs filles soient excisées. Il faut également saluer le rôle déterminant que joue les grand-mères dans la transmission d’une culture positive. Il s’agit pour ces mamies de transmettre des traditions et de la sagesse au sein de la communauté en valorisant la dignité de la femme et bannissant certaines pratiques culturellement dépassées.

De plus, des organisations locales et des dirigeants communautaires jouent un rôle clé dans la lutte contre les MGF. Ils interviennent en tant que médiateurs. Les leaders communautaires aident à établir des dialogues avec les membres des communautés en promouvant l’approche médicale pour abandonner cette pratique nuisible à la santé sexuelle et reproductive des filles et des femmes.

La lutte pour l’éradication continue

Malgré ces efforts, l’éradication des MGF au Sénégal et particulièrement dans ces régions du Sud /Est (qui le plus souvent ont des frontières avec d’autres pays de la sous-région) reste un défi complexe. Les croyances profondément enracinées et les pressions sociales continuent de contribuer à la persistance de cette pratique. Cependant, il est encourageant de voir que des progrès sont réalisés, et que de plus en plus de personnes remettent en question cette tradition.

La lutte contre les MGF nécessite une approche holistique qui prend en compte les facteurs culturels, sociaux, économiques et éducatifs qui les sous-tendent. L’éducation et la sensibilisation conservent des outils puissants dans ce combat. Cependant, il est également essentiel d’impliquer activement les communautés (les chefs de villages, les Imams, les Curés, les associations de jeunes, les groupements de femmes, les acteurs de la presse locale, les sage-femmes et matrones, ainsi que toutes personnes influentes qui se trouvent dans la communauté) et de respecter leurs valeurs culturelles tout en encourageant des alternatives plus sûres.

Conclusion

La persistance des Mutilations Génitales Féminines au Sénégal et particulièrement dans les régions de Tambacounda, Kédougou, Sédhiou, Kolda et Ziguinchor est un défi majeur. Toutefois des progrès sont réalisés grâce à la sensibilisation, à l’éducation et à la mobilisation communautaire. La lutte contre les MGF dans ces régions est un exemple de la nécessité d’adopter des approches culturelles sensibles et de travailler en collaboration étroite avec les communautés pour éliminer cette pratique préjudiciable. Le défi aujourd’hui au Sénégal est de mettre en place un système de lutte et de collecte de données coordonnés pour avoir une vue plus exacte des statistiques sur les MGF. Malgré certains obstacles, le Sénégal continue de faire des pas positifs vers l’éradication des MGF. Il est à espérer que ces efforts se poursuivront jusqu’à ce que cette pratique nocive soit complètement éliminée.

Sophiyatou NDAO

Juriste et militante des droits humains