Jadis malade mental attaché à un arbre, Oumar gagne une nouvelle vie sociale

« Des fous à lier, comment est-ce possible encore en 2018 ? ». C’est par ces mots que Amadou Demba Diallo s’interrogeait dans un post publié le 15 décembre 2018. Il venait d’être informé qu’un malade mental était enchaîné à un arbre depuis plus de 15 ans. Indigné, il lança un message d’alerte sur son compte facebook, suscitant diverses réactions notamment celle de Haj Amadou Cissé dit Sàkku Xam-Xam. Ce dernier, relayant le post, interpella à son tour les autorités étatiques et Amnesty International en la personne de son Directeur Exécutif Seydi Gassama.

Le malade mental dont il était question se nomme Oumar Diallo, la vingtaine révolue, originaire de Anda, un village situé à une trentaine de kilomètres de la région de Matam. Oumar avait émigré en Côte d’Ivoire où il s’adonnait au commerce. C’est dans la capitale ivoirienne qu’il tomba malade et décida de rentrer chez lui. Il avait perdu ses facultés mentales et représentait dès lors une menace pour sa famille. Selon les témoignages de son frère, il était devenu très violent et la seule personne qui était en mesure de lui faire entendre raison était son père.

Un jour, alors que ce dernier tentait de le calmer, Omar, très en colère, lui asséna un coup de bâton sur la tête. Ce coup s’est avéré mortel pour son père qui succomba à ses blessures quelques jours plus tard. Décision a alors été prise par la famille de l’enchainer à un arbre. C’est attaché à cet arbre qu’il se faisait servir de la nourriture, y effectuait ses besoins naturels, de nuit comme de jour, sous le soleil, la pluie, la chaleur ou le froid. Pendant quinze longues années, Oumar séjournait sous l’arbre jusqu’à ce post publié sur les réseaux sociaux ce 15 décembre 2018.

Ce traitement considéré comme cruel, inhumain et dégradant ne pouvait laisser indifférente Amnesty International Sénégal. C’est donc à juste raison que Seydi Gassama qui était interpellé sur le post Facebook pris l’engagement auprès de la famille de Oumar et des autorités administratives, de supporter toutes les dépenses afférentes à la prise en charge. Il s’agissait notamment de soins médicaux dès lors que le préfet, autorité administrative compétente, prenait un acte d’internement dans un hôpital psychaitrique. Par arrêté préfectoral en date du 11 Juin 2020, le préfet de Matam a prononcé l’internement de Oumar au niveau de l’hôpital psychiatrique de Thiaroye pour qu’il y bénéficie de soins appropriés à son état de santé et au danger qu’il représentait pour la sécurité publique.

Avec la collaboration de l’ensemble des services techniques concernés notamment le district sanitaire de Matam et la brigade de la gendarmerie d’Ourossogui, Oumar fut interné et reçut les soins nécessaires que requérait son état psychique. Plus d’un mois après et grâce à un bon suivi médical, son état de santé s’est nettement amélioré et Oumar a pu rejoindre la maison familiale. Un planning de suivi médical et social a été élaboré avec son médecin traitant et Amnesty International Sénégal pu s’acquitter de toutes les charges financières liées à son hospitalisation.

Pour accompagner la réinsertion sociale de Oumar, l’organisation de défense des droits humains a décidé de lui procurer une subvention. Celle-ci lui a permis d’aménager une chambre, d’investir dans l’élevage et ainsi s’adonner à une activité génératrice de revenus. Oumar est aujourd’hui redevenu un membre à part entière de sa famille, a trouvé sa place au sein de sa communauté.

Ce changement positif dans la vie de Oumar a notamment permis de mettre en exergue le rôle des réseaux sociaux comme outil d’alerte et de mobilisation ainsi que la collaboration possible, et en certaines occasions, nécessaire entre les entités de l’administration publique et des organisations de la société civile comme Amnesty International Sénégal. L’histoire démontre également le caractère non irréversible de la maladie mentale chez certaines personnes souffrant de cette pathologie.

Amnesty International Sénégal accorde un très grand intérêt à la prise en charge médicale des malades mentaux, lorsque ces derniers sont en famille, dans la rue ou en détention. Il est arrivé qu’Amnesty International Sénégal interpelle régulièrement les pouvoirs publics lorsque lors de visites dans des maisons d’arrêt et de correction, des malades mentaux y sont détenus. Leur place n’est certainement pas en prison et l’histoire de Oumar démontre à suffisance que leur état de santé peut nettement s’améliorer dès lors qu’ils bénéficient d’une prise en charge adéquat.

Mouhamadou Moustapha DIAGNE

Chargé de programmes – Amnesty International Sénégal