Le COVID19 a amplifié la dégradation des droits humains en 2020/21
La pandémie a révélé toute l’ampleur du terrible bilan des politiques délibérément créatrices de divisions et destructrices qui perpétuent les inégalités, la discrimination et l’oppression, et qui ont préparé le terrain pour les dévastations causées par le COVID-19, souligne Amnesty International dans son rapport annuel rendu public le 6 avril.
Le Rapport 2020/21 d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde couvre 149 pays dont 35 pays subsaharienne et présente une analyse détaillée des grandes tendances en matière de droits humains observées à travers le monde en 2020.
Les droits humains dans le MONDE – Tendance
Dans ce rapport, l’organisation montre que les populations qui étaient déjà les plus marginalisées, notamment les femmes et les personnes réfugiées, sont celles qui ont été le plus durement frappées par la pandémie, en raison de décennies de politiques discriminatoires décidées par celles et ceux qui dirigent le monde. Le personnel soignant, les travailleuses et travailleurs migrants et les personnes travaillant dans le secteur informel – qui pour beaucoup se sont trouvés en première ligne face à la pandémie – ont également été trahis par des systèmes de santé négligés et des aides économiques et sociales lacunaires.
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La pandémie a exacerbé les inégalités et l’érosion des services publics
Le rapport d’Amnesty montre qu’en raison des inégalités actuelles, qui résultent de décennies d’exercice toxique du pouvoir, les minorités ethniques, les réfugié·e·s, les personnes âgées et les femmes ont de façon disproportionnée été affectés par la pandémie.
Le COVID-19 a davantage encore aggravé la situation déjà très précaire des personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes dans de nombreux pays, certaines d’entre elles se retrouvant piégées dans des camps sordides et privées de fournitures essentielles ou bloquées en raison du renforcement des contrôles aux frontières
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Une souche virulente de dirigeant·e·s instrumentalise la pandémie pour intensifier la répression des droits humains
Le rapport dresse également un sombre bilan des carences des dirigeant·e·s du monde, leur façon de gérer la pandémie étant marquée par l’opportunisme et un mépris total pour les droits humains
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Les intérêts nationaux ont primé sur la coopération internationale en matière de lutte contre le COVID-19
Les dirigeant·e·s de la planète ont également causé des ravages à l’échelle internationale, entravant les initiatives collectives de redressement en bloquant ou en sapant la coopération internationale.
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Face à l’indifférence des gouvernements, des mouvements de protestation partout dans le monde pour défendre les droits fondamentaux
Les politiques répressives ont incité de nombreuses personnes à participer à des combats de longue haleine comme avec les manifestations du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, les manifestations du mouvement #End SARS au Nigeria, et les nouvelles formes innovantes de protestation telles que les manifestations virtuelles pour le climat.
Le rapport fait état d’importantes et nombreuses victoires remportées en 2020 auxquelles ont contribué les militant·e·s des droits humains, particulièrement dans le domaine de la lutte contre les violences liées au genre. Citons notamment les nouvelles lois qui ont été adoptées pour combattre les violences contre les femmes et les filles en Corée du Sud, au Koweït et au Soudan, ainsi que la dépénalisation de l’avortement en Argentine, en Corée du Sud et en Irlande du Nord.
Les droits humains en AFRIQUE SUBSAHARIENNE -Tendance
Amnesty International indique dans le rapport que, dans la majeure partie du continent, les affrontements entre les États et les groupes armés et les attaques contre les civils n’ont pas cessé et, dans certains cas, ont même pris de l’ampleur.
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La pandémie a exacerbé les inégalités
Le Rapport 2020/21 montre que les populations qui étaient déjà les plus marginalisées, notamment les femmes et les personnes réfugiées, sont celles qui ont été le plus durement frappées par la pandémie, en raison des politiques discriminatoires décidées par les dirigeant·e·s de la région.
Le rapport d’Amnesty International montre qu’en raison des inégalités déjà existantes, les populations marginalisées, les personnes réfugiées, les personnes âgées, les femmes et le personnel de santé ont été touchés de manière disproportionnée par la pandémie, et que la violence liée au genre a exacerbé cette situation.
Le COVID-19 a davantage encore aggravé les conditions de vie déjà très précaires des personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes dans de nombreux pays, certaines d’entre elles se retrouvant piégées dans des camps sordides et privées de fournitures essentielles ou bloquées en raison du renforcement des contrôles aux frontières.
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Les professionnel·le·s de la santé ont travaillé dans des conditions insalubres et dangereuses
Sur tout le continent, de nombreuses personnes qui travaillaient dans le secteur informel se sont retrouvées sans revenu et sans protection sociale en raison des mesures de confinement et des couvre-feux. Les professionnel·le·s de la santé travaillaient dans des conditions insalubres et dangereuses en raison de la pénurie d’équipements de protection individuelle et de produits désinfectants.
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Instrumentalisation de la pandémie pour intensifier la répression des droits humains
Le Rapport 2020/21 dresse en outre un tableau bien sombre des pays dans lesquels les autorités ont continué de restreindre les libertés pour freiner la pandémie. Le recours par les autorités à des lois réprimant pénalement les commentaires relatifs à la pandémie est devenu une constante prédominante.
Les États ont utilisé le coronavirus comme prétexte pour continuer de réprimer le droit à la liberté d’expression, notamment en poursuivant en justice pour diffusion de « fausses nouvelles » des personnes ayant publié sur les réseaux sociaux des commentaires sur les mesures prises par les autorités gouvernementales face à la pandémie.
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Voyant leur confiance trahie parleurs gouvernements, des populations ont manifesté dans le monde entier
Les politiques rétrogrades ont incité de nombreuses personnes à rallier des combats menés de longue date, comme avec le mouvement #ZimbabweanLivesMatter, les manifestations contre les violations constantes des droits humains et le mouvement #EndSARS au Nigeria, ou encore le mouvement #ShutItAllDown, visant à attirer l’attention des médias sur les violences liées au genre en Namibie.
Le Rapport 2020/21 fait état de nombreuses victoires importantes remportées en 2020, auxquelles ont contribué les militant·e·s des droits humains. Une nouvelle loi a par exemple été adoptée au Soudan pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles. Après un travail de campagne mené pendant des années par Amnesty International et d’autres organisations, la Sierra Leone a quant à elle annulé une interdiction faite aux jeunes filles enceintes de poursuivre leur scolarité et de passer des examens.
Les droits humains au SENEGAL – Tendance
- Le Code pénal a été modifié de façon à alourdir les peines encourues par les auteurs d’atteintes sexuelles sur des enfants et de viol.
- La police a eu recours à une force excessive.
- Des détenu·e·s ont protesté contre les mauvaises conditions sanitaires et le personnel soignant a menacé d’observer une grève pour dénoncer le manque de moyens.
- Des personnes risquaient d’être expulsées de force de leurs propriétés foncières. Le conflit en Casamance a connu une résurgence.
Contexte
Des modifications ont été apportées au Code pénal en janvier ; les atteintes sexuelles sur des enfants ainsi que le viol étaient désormais considérés comme des crimes et non plus comme des délits, et les peines encourues ont été alourdies.
Face à la pandémie de COVID-19, les autorités ont décrété l’état d’urgence en mars, ce qui leur a conféré des pouvoirs étendus pour gouverner sans contrôle parlementaire. La plupart des mesures restrictives prises dans ce cadre, y compris le couvre-feu national, ont été levées en juin.
Le parti au pouvoir, l’opposition et des organisations de la société civile se sont rassemblés dans le cadre de la Commission politique du dialogue national afin de réfléchir à des réformes relatives aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
La Casamance a connu une nouvelle vague de violences, qui ont pris la forme d’attaques contre des positions militaires et d’homicides ciblés.
Recours excessif à la force
Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive dans le maintien de l’ordre public.
En janvier, un homme est décédé en garde à vue dans la ville de Fatick après avoir été, semble-t-il, battu par la police. Les conclusions de son autopsie, selon lesquelles il serait mort de « causes naturelles », ont suscité de violentes manifestations. Les autorités ont alors ouvert une enquête sur les trois policiers soupçonnés d’être responsables de ce décès.
En mai, les gendarmes ont utilisé du gaz lacrymogène lors d’une conférence de presse tenue par des jeunes de Cap Skirring pour dénoncer le manque d’eau potable dans leur ville. Au moins deux participants, un homme et une femme, ont été grièvement blessés.
En juin, quatre personnes qui manifestaient contre la démolition en 2013 de leurs logements, situés à Gadaye dans la banlieue de Dakar, la capitale, ont été blessées lorsque la police a dispersé leur rassemblement avec violence.
Liberté d’expression et de réunion
En juin, la police a arrêté Assane Diouf après qu’il eut critiqué le gouvernement dans une discussion vidéo en direct. Cet homme était toujours en détention à la fin de l’année pour les charges d’outrage à agent, d’appel à un attroupement armé et d’injures publiques à travers le net.
En août, des membres de Dahiratoul Moustarchidine wal Moustarchidati ont mis à sac les locaux du journal Les Échos après la publication d’un article avançant que le chef de cette organisation religieuse avait contracté le COVID-19. Six suspects ont été arrêtés.
En septembre, Adja Ndiaye, une journaliste de Dakaractu, a été agressée verbalement et physiquement par des policiers à Dakar, alors qu’elle effectuait un reportage. Elle a été blessée au cou et au dos, et sa caméra a été endommagée.
Droit à la santé du personnel soignant
En juin, le Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (SAMES) a menacé d’appeler à une grève pour dénoncer le manque d’équipements de protection individuelle et d’autres ressources nécessaires à la gestion de la pandémie de COVID-19 ; des médecins travaillant en première ligne ont également menacé de cesser le travail pour protester contre leurs salaires impayés et leurs mauvaises conditions de travail.
Conditions de détention
Les centres de détention étaient surpeuplés et le coronavirus n’a fait qu’aggraver les risques sanitaires pour les personnes incarcérées. En octobre, 10 804 personnes étaient emprisonnées au Sénégal, dont 5 052 en détention provisoire. Entre mars et septembre, les autorités ont libéré 3 731 détenu·e·s dans le cadre de la lutte contre la pandémie de COVID-19. Deux détenus sont morts de cette maladie à la prison de Thiès, ce qui a déclenché des grèves de la faim parmi la population carcérale. Les grévistes réclamaient des tests à grande échelle.
Au moins six personnes sont décédées, apparemment en raison de mauvaises conditions de détention, alors qu’elles se trouvaient en garde à vue ou qu’elles étaient détenues dans les prisons de Thiès et de Diourbel.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Des militant·e·s LGBTI ont fait l’objet de campagnes de diffamation et de menaces de mort. Aux termes du Code pénal, les relations sexuelles entre personnes du même sexe étaient passibles d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement. En octobre, 25 hommes et adolescents ont été arrêtés lors d’une fête privée à Dakar. Inculpés d’« actes contre nature », ils ont été placés en détention. Le 6 novembre, un tribunal de Dakar a condamné deux des adultes à six mois d’emprisonnement et cinq autres à trois mois. Les autres intéressés, y compris tous les mineurs, ont été libérés sans inculpation.
Droits des enfants
Un projet de loi visant à réglementer les écoles coraniques n’avait toujours pas été approuvé par le Parlement. Douze élèves de ces établissements auraient été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements par leurs enseignants. En février, un garçon de 13 ans a été battu à mort par son professeur dans la ville de Louga. En mars, la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar a condamné un maître d’école coranique à 10 ans d’emprisonnement pour « voies de fait et coups et blessures sur une personne de moins de 13 ans » et un autre membre du personnel à cinq ans d’emprisonnement pour non-assistance à personne en danger.
Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les autorités ont annoncé avoir extrait 2 015 enfants de la rue : elles en ont rendu 1 424 à leur famille et ont placé les autres dans des centres d’accueil publics.
Expulsions forcées
Les communautés rurales de la région de Thiès luttaient toujours contre les menaces d’expulsions forcées liées aux projets d’entreprises agricoles et pétrochimiques empiétant sur leurs terres. La communauté agricole de Ndingler, près de la ville de Mbour, a perdu 0,75 kilomètre carré de terres collectives au profit d’un projet agro-industriel. En juillet, les autorités ont négocié une trêve dans ce différend, ce qui a permis aux agriculteurs et aux agricultrices d’accéder à leurs terres mais de façon limitée.
La population du village de Tobène a accusé une entreprise pétrochimique de polluer ses terres agricoles et a contesté la décision de l’État d’allouer six hectares supplémentaires de terres agricoles à cette société. Elle a protesté contre l’indemnisation de neuf millions de francs CFA (16 110 dollars des États-Unis) proposée par l’entreprise. En août, des manifestations ont tourné à la violence et la gendarmerie a arrêté 22 habitants, dont le militant Ardo Gningue, qui a déclaré avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements lors de sa détention à Tivaouane.
Exactions perpétrées par des groupes armées
La Casamance a connu une reprise des violences. En août, Hamidou Diémé, un ancien combattant du groupe armé Mouvement des forces démocratiques de la Casamance, a été tué par des hommes armés non identifiés à Diégoune, dans la région de Ziguinchor. À la fin de l’année, personne n’avait été traduit en justice pour cet homicide