En réponse aux nombreuses difficultés liées à la production des actes d’état civil au Sénégal, Amnesty International Sénégal a organisé au cours des mois d’octobre et de novembre 2020 des ateliers de formation et de sensibilisation. Ces sessions ont essentiellement porté sur la maîtrise de l’état civil pour une citoyenneté active et participative dans les départements d’Oussouye, de Bakel, de Matam, de Nioro, de Kaolack et de Mbour.
Diverses cibles ont participé et bénéficié de ces sessions. Il s’agit notamment des maires, des officiers d’état civil, des chefs de villages, des délégués de quartier, des sages-femmes et des religieux notamment des pasteurs évangéliques de la région de Ziguinchor. Les religieux ont joué ou peuvent potentiellement jouer un rôle majeur dans le processus d’établissement. Ils profitent ainsi de leurs prêches ou de divers évènements religieux pour rappeler aux fidèles le devoir d’enregistrer ces actes.
Au regard de la 51.3 du code de la famille, les chefs de village son tenus, à défaut de la déclaration faite par les personnes citées à l’art 51.2 du même code, d’y procéder dans les conditions et sous peine de sanctions. Cette disposition prouve à suffisance le rôle et la responsabilité de ces auxiliaires de l’état civil dans la procédure d’enregistrement des actes. C’est pourquoi, en rapport avec les autorités administratives, Amnesty International Sénégal a procédé à la distribution de cahiers du village pour permettre un enregistrement des faits d’état civil.
Articulé principalement autour des enjeux de l’état civil pour une pleine jouissance des droits humains par le citoyen, ces séminaires ont offerts aux présidents des tribunaux d’instance l’opportunité d’évoquer diverses thématiques avec les acteurs. Pour rappel, ce juge est compétent pour contrôler les registres d’état civil des centres de son ressort. Il a ainsi pu clarifier les concepts, rappelé les textes qui régissent le service public de l’état civil notamment les dispositions législatives et réglementaires dans le processus d’enregistrement des mariages, des naissances et des décès.
La présence des autorités administratives, notamment le préfet de département ou son adjoint a donné le ton sur l’urgence de la prise de mesures pour corriger les nombreux manquements relevés
UNE INTERVENTION DES ACTEURS NON COORDONNEE
Les échanges notés lors des différentes sessions ont permis de relever beaucoup de manquements dans le processus d’enregistrement en matière d’état civil. La désignation de la personne en charge de cette question constitue la première faiblesse qui gangrène le service public de l’état civil au Sénégal.
Désigné par le maire sur la base de critères non connus ni divulgués, l’officier d’état civil voit sa fonction prendre fin au terme du mandat de l’autorité municipale. Dans la plupart des cas, ils n’ont pas la formation académique adéquate notamment sur l’état civil et restent mal rémunérés. Cette situation de précarité n’est donc pas sans conséquence sur la gestion quotidienne du service public de l’état civil.
Il a été noté que dans certains départements, le contrôle des registres d’actes d’état civil par le président du tribunal d’instance n’était pas régulier et dans les cas où il l’était, diverses absences de non conformités légales étaient établies. Il se trouve par ailleurs que les déclarations des enfants à la naissance, les mariages ou les décès dans les délais légaux ne sont pas suffisamment ancrées dans la culture des sénégalais. Cette situation crée un volume de contentieux difficilement surmontables pour les tribunaux d’instance et selon le président du tribunal d’instance de Nioro, plus de 80% du contentieux du tribunal porte sur l’état civil.
Les audiences foraines, alternatives à la non déclaration des enfants, montre des limites. En effet, plus de 50% des jugements rendus ne sont, pas transcrits par les officiers d’état civil. A cela s’ajoute le non retrait par les ayant-droits ou leur parents, des actes transcrits. Ainsi, des milliers d’actes sont en souffrance dans des centres d’états civils.
DES SOLUTIONS EXISTENT
Pour remédier à tous ces problèmes qui menacent la pleine jouissance des droits humains, les participants ont proposé diverses solutions
- la revalorisation de la fonction d’officier d’état civil,
- l’accélération du processus d’informatisation de l’état civil et
- une sensibilisation continue des populations.
Au regard de l’authenticité des actes qu’ils produisent et de leur importance pour l’état et pour le citoyen, les officiers d’état civil ont été invités, par les différents animateurs, à bannir toutes les pratiques qui ne sont pas conformes aux normes établies et à promouvoir les bonnes pratiques.