Le Bénin retire à ses citoyens le droit de saisir la Cour Africaine 

Le Bénin retire à ses citoyens le droit de saisir la Cour Africaine

La décision de retirer aux individus et organisations non gouvernementales le droit de soumettre directement des plaintes à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples marque une étape supplémentaire dans la répression grandissante des voix dissidentes au Bénin.

Le gouvernement a transmis sa décision de retrait à l’Union Africaine dans une lettre datée du 21 avril dernier. Ce retrait intervient dans un contexte où le gouvernement a multiplié les atteintes aux droits humains, en particulier à la liberté d’expression.

Cette décision qui a pour effet de bloquer l’accès direct des individus et des ONGs à la Cour africaine constitue une véritable régression de la part du gouvernement béninois en matière de protection des droits humains. Nous appelons les autorités à revenir sur cette regrettable décision qui est une attaque de front aux droits humains.

La semaine dernière, la Cour, saisie par l’opposant politique Sebastien Ajavon, a ordonné aux autorités de suspendre la tenue de l’élection des conseillers municipaux et communaux en tant que mesure provisoire, jusqu’à la décision de la Cour sur les allégations portées par l’opposant.

La Cour africaine est l’organe judiciaire de l’Union Africaine pour la protection et la promotion des droits humains par ses Etats membres. Elle a été créée par le protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples adopté en 1998.

En ratifiant ce protocole et en faisant la déclaration à son article 34.6, le Bénin avait permis aux individus et ONGs, après épuisement des voies de recours internes, de saisir la Cour pour dénoncer les violations de la Charte africaine par l’Etat.  

Le Bénin devient le troisième pays du continent après le Rwanda et la Tanzanie, et le premier en Afrique de l’Ouest à retirer le droit des individus et des ONGs de déposer des plaintes auprès de la Cour africaine, Cette décision prendra effet dans un an.

« La Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples est une fois de plus la cible d’attaques politiques de gouvernements peu respectueux des droits humains. Le Bénin par ce geste sape les efforts de construire un système régional crédible et efficace de protection des droits humains » 

Complément d’information

Une vague d’arrestations arbitraires de militants politiques et de journalistes et la répression des manifestations pacifiques avaient atteint un niveau alarmant l’an passé dans le pays, lors des élections législatives du 28 avril 2019.

Alors qu’Internet  a été coupé dans tout le pays le jour du scrutin, Amnesty International avait documenté, entre ce jour et le 2 mai 2019, la mort par arme à feu d’au moins quatre personnes, dont un homme de 19 ans et une femme de 37 ans .

Le 31 octobre 2019, le Parlement a voté «l’amnistie pour l’infraction pénale» commise lors des violences liées aux manifestations qui ont suivi les élections parlementaires. Cette amnistie s’applique à toutes les personnes suspectées de crimes durant la période post-électorale, à la fois aux membres des forces de sécurité et aux citoyens ordinaires. Cette loi viole le droit des victimes de ces crimes à obtenir justice et réparations.

En moins de deux ans, au moins 17 journalistes, blogueurs et militants politiques ont été poursuivis au titre de la loi numérique n ° 2017-20 du 20 avril 2018, qui comporte des dispositions répressives restreignant le droit à la liberté d’expression et la liberté des médias au Bénin. L’année dernière, les autorités béninoises ont expulsé l’ambassadeur de l’Union Européenne, accusé d’ingérence dans les affaires intérieures.