La « ruée vers l’or » bafoue les droits fondamentaux des communautés

Au Sénégal, les communautés rurales des zones minières voient leurs droits à la terre foulés aux pieds alors que le gouvernement, faisant fi de ses obligations au titre du droit international, octroie des concessions à des compagnies minières sans garantir le respect des droits humains par ces dernières. C’est ce qui apparaît dans un nouveau rapport que publie Amnesty International vendredi 30 mai 2014.

Ce rapport, intitulé L’exploitation minière et les droits humains au Sénégal, révèle que, pour laisser la voie libre à des sociétés minières internationales avides d’exploiter les riches réserves d’or et autres métaux du Sénégal, des communautés sont déplacées sans qu’il soit tenu dûment compte des répercussions de ces mesures sur leurs moyens de subsistance et leur accès à l’eau et à la nourriture.
« Le gouvernement sénégalais a fait grand cas de sa volonté de devenir la figure de proue d’une industrie minière durable en Afrique, mais il apparaît dans ce rapport très loin de ces objectifs », a déclaré Seydi Gassama, directeur d’Amnesty International Sénégal.

« À mesure que de nouvelles concessions minières seront accordées et que l’activité minière s’intensifiera, les conséquences néfastes sur les populations locales ne feront qu’augmenter. Il est vital que les droits des communautés locales ne soient pas foulés aux pieds dans cette ruée vers l’or et que de nouvelles lois soient adoptées d’urgence pour que les droits humains soient dûment protégés par l’État et respectés par les entreprises. »

L’industrie minière du Sénégal se trouve encore à un stade relativement embryonnaire. Les recherches d’Amnesty International font état de mauvaises pratiques de la part des compagnies minières et de défaillances de la part des autorités, ce qui fait craindre pour certaines communautés au Sénégal des atteintes à leurs droits fondamentaux du même ordre que celles liées aux industries extractives dans d’autres régions d’Afrique de l’Ouest.

Aux termes du Code minier du Sénégal, entré en vigueur en 2003, des sociétés internationales se sont vu offrir diverses incitations à l’investissement les encourageant à prospecter et à exploiter les gisements d’or et d’autres minerais. Cette législation, associée à la hausse du prix de l’or, a entraîné une expansion rapide de l’industrie minière, en particulier dans la région de Kédougou. La plupart des projets n’en sont encore qu’à leurs débuts, mais les traces que laissera l’industrie vont rapidement augmenter au cours des années à venir.

Malgré le droit international relatif aux droits humains et la Directive sur le secteur minier adoptée en 2009 par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont l’entrée en vigueur dans toute la région est prévue pour juillet 2014, le Sénégal autorise des sociétés minières à acquérir des droits d’utilisation des terres sans avoir à fournir des garanties appropriées aux populations qui résident sur ces terres et qui en vivent.

Aux termes de la législation actuelle relative à la terre et à l’industrie minière, des personnes peuvent être expulsées de force de chez elles sans avoir été prévenues dans des délais suffisants ni réellement consultées, et au mépris de l’impact que ces mesures peuvent avoir sur leurs moyens de subsistance et sur leur accès à l’alimentation et aux autres droits économiques, sociaux et culturels.

Dans la région de Kédougou, Amnesty International avait suivi le premier groupe de familles à être réinstallées pour laisser la place à une exploitation minière, et elle leur a de nouveau rendu visite près de deux ans plus tard. À l’époque, la délégation d’Amnesty International avait estimé que les conditions de cette réinstallation n’étaient pas conformes aux normes internationales et que, sur le nouveau site, les logements étaient mal adaptés et les terres et l’eau insuffisantes pour les cultures essentielles à la communauté.

« L’expérience vécue par ces familles, déracinées et recasées dans une région où elles luttent pour la survie, est extrêmement dérangeante, a ajouté Seydi Gassama. Les droits humains ne devraient jamais être relégués au second plan, après les intérêts commerciaux, et le peuple sénégalais ne devrait pas voir ses droits à la terre foulés aux pieds et vendus au profit de la ruée vers l’or du Sénégal. Il incombe au gouvernement de respecter le droit international et de prendre immédiatement des mesures pour que des atteintes aux droits humains ne soient pas commises. »

COMPLÉMENT D’INFORMATIONS
Amnesty International s’est entretenue avec des populations locales à Kédougou en 2011 et 2013. Des chercheurs de l’organisation se sont rendus auprès de six familles du hameau de Dambankhoto qui avaient été déplacées en 2011 pour faire place à un bassin de décantation de déchets construit par la Sabodala Gold Operations (SGO). Cette société est une filiale de Teranga Gold Corporation, une multinationale enregistrée au Canada.

Amnesty International a aussi entrepris une analyse de la législation sénégalaise. Cette analyse a dévoilé des écarts significatifs entre les garanties juridiques actuelles et les obligations du Sénégal en matière de droits humains. En outre, la législation sénégalaise n’est pas conforme aux obligations relatives aux droits humains énoncées dans la Directive de la CEDEAO sur le secteur minier. En particulier, les exigences du Sénégal quant à la consultation des populations affectées et à leur participation aux décisions ayant des effets sur leurs droits fondamentaux se situent bien en deçà des normes internationales relatives aux droits humains.