Soutien aux États africains parties à la Cour pénale internationale
Cher ministre des Affaires étrangères,
Nous soussignées, les 130 organisations de la société civile africaine et organisations internationales présentes en 34 états africains, vous écrivons afin de prier instamment votre gouvernement d’affirmer son soutien à la CPI ainsi qu’au traité fondateur de la Cour, le Statut de Rome, lors du sommet extraordinaire de UA sur la CPI prévu pour les 11 et 12 octobre 2013.
Comme vous le savez, les relations entre la CPI et certains gouvernements africains traversent une période de turbulences, à mesure que progressent les enquêtes lancées par la CPI sur des crimes commis pendant les violences postélectorales de 2007-08 au Kenya. Ceci a conduit à la convocation de ce sommet extraordinaire de l’UA et à des interrogations sur le point de savoir si certains États africains parties à la CPI envisageraient de se retirer du Statut de Rome.
Nous sommes convaincus que tout retrait de la CPI reviendrait à envoyer un message négatif concernant l’engagement pris par l’Afrique de protéger et de promouvoir les droits humains et de rejeter l’impunité, tel qu’il est formulé dans l’article 4 de l’Acte constitutif de l’Union africaine. Il est bien entendu que le travail et le mode de fonctionnement de la CPI ne doivent pas être exemptés d’une nécessaire supervision et d’éventuelles améliorations. Mais la considération d’éventuels retraits risque d’avoir de graves conséquences pour les civils en Afrique, qui sont habituellement les principales victimes des graves crimes commis en violation du droit international.
La CPI demeure le seul tribunal pénal permanent qui soit doté de l’autorité d’agir quand l’État concerné est incapable ou non désireux d’enquêter ou d’engager des poursuites. En tant qu’organisations travaillant en Afrique, dont certaines au nom ou aux côtés de victimes de crimes internationaux, nous constatons chaque jour combien il importe de leur assurer une possibilité d’obtenir justice. Il importe également de noter qu’un retrait du Statut de Rome n’aurait pas d’impact juridique sur les dossiers actuellement aux mains de la CPI.
L’une des principales critiques formulées par certains dirigeants africains est que la Cour vise en particulier l’Afrique. Or s’il est vrai que toutes les enquêtes actuelles de la CPI concernent ce continent, la majorité des dossiers dont elle est saisie ont vu le jour suite à des demandes volontaires de la part des gouvernements des pays africains où les crimes ont été commis (Ouganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Côte d’Ivoire et Mali). Deux autres situations — celles de la Libye et du Darfour, région du Soudan — ont été déférées à la CPI par le Conseil de sécurité des Nations Unies, avec l’appui de ses membres africains. Le Kenya est la seule situation dans laquelle le Bureau du procureur de la CPI a agi de sa propre initiative, mais avec l’approbation d’une chambre préliminaire de la CPI après que le Kenya eut failli à sa responsabilité d’agir pour rendre justice localement.
Nous reconnaissons qu’à l’heure actuelle, la justice internationale s’exerce de manière inégale à travers le monde. Dans certaines situations, des gouvernements puissants sont en mesure de maintenir leurs citoyens et ceux de leurs alliés à l’abri de l’autorité de la CPI en ne rejoignant pas celle-ci ou en usant de leur droit de veto au Conseil de sécurité pour empêcher sa saisine.
Nous continuerons de travailler avec votre gouvernement et d’autres partenaires pour assurer une certaine cohérence dans l’application de la justice internationale, y compris en militant contre la politique de deux poids, deux mesures au Conseil de sécurité. Mais remettre en cause l’administration de la justice là où c’est possible sous prétexte qu’obtenir justice dans toutes les situations n’est pas encore possible, risque d’enhardir les auteurs potentiels de graves crimes. Oeuvrer en faveur d’une augmentation, plutôt qu’une réduction, du nombre des États parties à la CPI est un élément essentiel des efforts pour atteindre l’objectif d’une justice plus accessible et pour signifier au monde que personne n’est au-dessus des lois.
Le rôle de la CPI au Kenya démontre clairement qu’il s’agit d’un tribunal de dernier ressort crucial et nous prions instamment votre gouvernement de manifester son soutien à la poursuite jusqu’à son terme du processus engagé par la Cour dans ce pays.
En 2008, les dirigeants du Kenya avaient tout d’abord accepté de mettre sur pied un tribunal spécial pour instruire et juger des affaires liées aux violences postélectorales, qui ont fait plus de 1.100 morts et causé la destruction de moyens d’existence et le déplacement de plus d’un demi-million de personnes. C’est quand les efforts pour créer ce tribunal ou pour faire avancer ces dossiers devant des tribunaux ordinaires ont échoué, que le procureur de la CPI a ouvert sa propre enquête. Une telle décision avait été recommandée par une commission nationale d’enquête, mise sur pied dans le cadre d’un accord obtenu sous l’égide de l’UA pour mettre fin aux violences politiques au Kenya.
Bien que l’Union africaine, à l’initiative du Kenya et de l’Ouganda, a appelé lors de son sommet de mai 2013, à un dessaisissement de la CPI des dossiers kenyans et à leur rétrocession à un mécanisme national kenyan, la décision d’une telle « saisine » est du ressort exclusif des magistrats de la CPI dans le cadre d’une contestation, en bonne et due forme juridique, de la compétence de la CPI, appelée recours en irrecevabilité. En raison de l’absence de véritables enquêtes et poursuites judiciaires au Kenya, les magistrats de la CPI ont déjà rejeté en 2011 un recours du gouvernement kenyan concernant ces affaires. Or même depuis cette décision, aucun effort sérieux n’a été fait au Kenya pour enquêter sur les violences postélectorales et engager des poursuites contre leurs responsables.
Le Kenya a mis les autres gouvernements africains dans une position délicate en les pressant d’agir pour empêcher la CPI d’instruire des dossiers concernant des crimes commis dans ce pays, tout en s’abstenant de profiter des procédures juridiques qui auraient permis à la Cour d’autoriser une telle décision en s’appuyant sur l’existence d’enquêtes et de poursuites crédibles à l’échelon national concernant ces mêmes crimes. Si elle était adoptée, une résolution récente du Parlement kenyan visant à abroger la Loi sur les crimes internationaux du pays signifierait également que le Kenya perdrait un important instrument national de répression des crimes internationaux.
Les États africains ont été parmi les plus importants partisans de la création et d’un fonctionnement efficace de la CPI. Ils ont joué un rôle pivot dans les négociations qui ont mené à la création de la Cour et 34 pays africains — soit une majorité des membres de l’Union africaine – sont désormais des États parties à la CPI. Comme nous l’avons souligné plus haut, des gouvernements africains ont sollicité l’aide de la CPI pour mener à bien des enquêtes et des procès, et d’autre part des Africains figurent parmi les responsables et les personnels de haut rang de la CPI et parmi ses magistrats.
Dans ce contexte, nous prions instamment votre gouvernement de s’efforcer de promouvoir sur le continent africain une position de soutien à la CPI et au rôle essentiel qu’elle joue dans la lutte contre l’impunité, y compris au Kenya. Ceci peut se faire notamment en soulignant, lors de réunions de l’UA, dans des déclarations publiques et lors de discussions bilatérales avec d’autres gouvernements africains, que la Cour constitue un instrument essentiel dans la lutte contre l’impunité.
Nous serions heureux de pouvoir discuter davantage de cette importante question, et les organisations de la société civile disposant de bureaux dans votre pays se permettront de vous contacter afin d’arranger une rencontre sur ce thème.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur / Madame xxxx, l’expression de notre haute considération.
- Centre for Human Rights, University of Pretoria, Afrique du Sud
- Co-operative for Research and Education, Afrique du Sud
- Darfur Solidarity, Afrique du Sud
- International Crime in Africa Programme, Institute for Security Studies, Afrique du Sud
- South Africa Forum for International Solidarity, Afrique du Sud
- Southern Africa Litigation Centre, Afrique du Sud
- DITSHWANELO – The Botswana Centre for Human Rights, Botswana
- Amnesty International Burkina Faso
- l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture au Burundi
- Action pour le Droit et le Bien-être de l’Enfant, Burundi
- Association des Femmes Juristes du Burundi
- Fontaine-ISOKO pour la Bonne Gouvernance et le Développement Intégré, Asbl, Burundi
- Coalition Burundaise pour la Cour pénale internationale (CPI), Burundi
- Forum for Strengthening Civil Society, Burundi
- Forum pour la Conscience et le Développement, Burundi
- Ligue burundaise des droits de l’Homme, Burundi
- Réseau des Citoyens Probes, Burundi
- Cameroon Coalition for the International Criminal Court, Cameroun
- Gender Empowerment and Development, Cameroun
- Association Capverdienne des Femmes Juristes, Cap-Vert
- Coalition Ivoirienne pour la CPI, Côte d’Ivoire
- Ligue ivoirienne des droits de l’Homme, Côte d’Ivoire
- Mouvement ivoirien des droits humains, Côte d’Ivoire
- Réseau Equitas Côte d’Ivoire
- Eastern Africa Journalists Association, Djibouti
- Cairo Institute for Human Rights Studies, Égypt
- Egyptian Initiative for Personal Rights, Égypt
- Human Rights Concern, Erythrée
- The Civil Society Associations Gambie
- Coalition For Change, Gambie
- Abibiman Foundation, Ghana
- Amnesty International Ghana
- Centre for Popular Education and Human Rights, Ghana
- Communication for Social Change, Ghana
- Ghana Center for Democratic Development, Ghana
- Media Foundation for West Africa, Ghana
- L’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009, Guinée
- Organisation guinéenne des droits de l’Homme et du Citoyen, Guinée
- Amnesty International Kenya
- Civil Society Organization’s Network, Kenya
- Independent Medico-Legal Unit, Kenya
- International Commission of Jurists Kenya
- Kenyans for Peace with Truth and Justice, Kenya
- Transformation Resource Center, Lesotho
- Actions for Genuine Democratic Alternatives, Liberia
- Concerned Christian Community, Liberia
- Foundation for International Dignity, Liberia
- Liberia Research and Public Policy Center, Liberia
- National Civil Society Council of Liberia
- Rights and Rice Foundation, Liberia
- Centre for Human Rights and Rehabilitation, Malawi
- Centre for the Development of People, Malawi
- Civil Liberties Committee, Malawi
- Church and Society Programme, Malawi
- Association malienne des droits de l’Homme, Mali
- Coalition Malienne des Défenseurs des Droits Humains, Mali
- Coalition Malienne pour la CPI, Mali
- FEMNET-Mali
- NamRights, Namibie
- Access to Justice, Nigeria
- Alliances for Africa, Nigeria
- BAOBAB for Women’s Human Rights, Nigeria
- BraveHeart Initiative for Youth & Women, Nigeria
- Center for Citizens Rights, Nigeria
- Centre for Democracy and Development, Nigeria
- Centre for Human Rights and Conflict Resolution, Nigeria
- Citizens Center for Integrated Development & Social Rights, Nigeria
- Civil Liberties Organisation, Nigeria
- Civil Resource Development and Documentation Centre, Nigeria
- Coalition of Eastern NGOs, Nigeria
- Human Rights Agenda Network Nigeria
- Human Rights Social Development and Environmental Foundation, Nigeria
- Institute of Human Rights and Humanitarian Law, Nigeria
- Justice, Development and Peace Commission, Nigeria
- Legal Resources Consortium, Nigeria
- National Coalition on Affirmative Action, Nigeria
- Nigeria Coalition for the International Criminal Court, Nigeria
- Socio-Economic Rights and Accountability Project, Nigeria
- West African Bar Association, Nigeria
- Advocates for Public International Law Ouganda
- African Centre for Justice and Peace Studies, Ouganda
- Community Development and Child Welfare Initiatives, Ouganda
- Corruption Brakes Crusade, Ouganda
- East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Ouganda
- Foundation for Human Rights Initiative, Ouganda
- Human Rights Network Ouganda
- Kumi Human Rights Initiative, Ouganda
- Lira NGO Forum, Ouganda
- People for Peace and Defence of Rights, Ouganda
- Soroti Development Association & NGOs Network, Ouganda
- Uganda Coalition on the International Criminal Court, Ouganda
- Uganda Victims Foundation, Ouganda
- Women Peace and Security, Ouganda
- Central African Coalition for the ICC, République centrafricaine
- Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme, République du Congo
- Access to Justice, République démocratique du Congo (RDC)
- Action des Chrétiens Activistes des Droits de l’Homme à Shabunda, RDC
- Congo Peace Network, RDC
- Congolese Foundation for the Promotion of Human Rights and Peace, RDC
- Coordination Office of the Civil Society of South Kivu, RDC
- Coalition nationale pour la Cour pénale internationale de la RDC
- Le Groupe Lotus, RDC
- La Ligue des Elécteurs, RDC
- Ligue pour la Paix, les Droits de l´Homme et la Justice, RDC
- Ligue pour la Promotion et le Développement Intégral de la Femme et de l’Enfant, RDC
- Synergie des ONGs Congolaises pour les Victimes, RDC
- Vision GRAM- International, RDC
- Vision Sociale asbl, RDC
- Human Rights First Rwanda Association, Rwanda
- Amnesty International Sénégal
- Ligue sénégalaise des droits humains, Sénégal
- Centre for Accountability and Rule of Law, Sierra Leone
- Coalition for Justice and Accountability, Sierra Leone
- Children Education Society, Tanzanie
- Services Health & Development for people living positively with HIV/AIDS, Tanzanie
- Tanzania Pastoralist Community Forum, Tanzanie
- Association tchadienne pour la promotion et le défense des droits de l’Homme, Tchad
- Ligue tchadienne des droits de l’Homme, Tchad
- Amnesty International Togo
- Réseau Ouest Africain des Défenseurs des Droits Humains, Togo
- Southern African Centre for the Constructive Resolution of Disputes, Zambie
- Amnesty International Zimbabwe
- Counselling Services Unit, Zimbabwe
- Coalition for the International Criminal Court, avec des bureaux au Bénin et en RDC
- Enough Project, avec des bureaux en RDC, au Kenya, au Sud-Soudan, et en Ouganda
- Human Rights Watch, avec des bureaux au Kenya et en Afrique du Sud
- La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, avec des bureaux en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Kenya, et au Mali
- Parliamentarians for Global Action, avec des bureaux en RDC et en Ouganda
- West African Journalists Association, avec des bureaux au Mali et au Sénégal
- Women’s Initiatives for Gender Justice, avec des bureaux en Égypt et en Ouganda