Les candidats s’engagent à assurer l’indépendance de la justice
Mémorandum des organisations de la société civile lors de l’élection du 24 février 2019
La plateforme des organisations de la société civile a tenu ce mardi 19 février 2019 un atelier de partage de ses recommandations avec les représentants des candidats à l’élection présidentielle du 24 février 2019.
Tous les candidats ont été représentés à cette manifestation et ont été unanimes à reconnaître la nécessité d’opérer des réformes dans le secteur de la justice. Mamadou NDIAYE (Madické Niang), Dialo DIOP (Ousmane Sonko), Ismaila Madior Fall (Macky Sall), Abdoul Aziz PAYE (Idrissa Seck) Racine MBAYE (El hadj Sall). Même si tous les candidats ont fait des propositions allant dans le sens de l’indépendance de la justice, force est de constater que peu ont indiqué des échéances.
Ces discussions ont donc permis aux organisations de la société civile d’avoir davantage d’informations sur divers aspects. Si certains candidats ont déjà entrepris une série de réformes, d’autres sont à un stade de réflexion avancée tandis qu’un autre groupe prévoit de larges consultations avec les auteurs une fois élu.
Texte du mémorandum
La problématique de l’indépendance de la justice qui nous réunit, en cette veille d’élection présidentielle, est certes un sujet ancien, mais qui demeure néanmoins, d’une brûlante actualité. Nous sommes tous d’accord que notre justice est à la croisée des chemins et qu’elle traverse, en ce moment, une crise presque profonde. Son manque d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif est régulièrement évoqué malgré le fait que la Constitution ait proclamé son indépendance par rapport aux deux autres pouvoirs.
Un fort pourcentage de citoyens a perdu confiance en la justice et un malaise sans précédent gagne, de plus en plus, les acteurs de la Justice. L’impérieuse nécessité d’aller vers des réformes judiciaires pour arriver à une justice indépendante, équitable et accessible s’impose.
A cet effet :
Nous candidats à l’élection présidentielle du 24 février 2019 ;
Nous inspirant des principes inscrits dans la Constitution du Sénégal et des lois organisant le pouvoir judiciaire ;
Tenant compte des principes d’indépendance de la justice qui préconisent l’absence de toute soumission des magistrats, dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, à d’autres pouvoirs que la loi ;
Mesurant cette nécessité solennellement proclamée par la Constitution qui dispose en son article 88 que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif… » ;
Conscients que l’indépendance de la justice est un critère objectif qui permet de drainer des investissements significatifs de la part des partenaires bilatéraux et multilatéraux et du secteur privé national et international ;
Considérant que l’exigence d’un procès équitable est un standard international de bonne gouvernance judiciaire ;
Conscients que le manque d’indépendance de la justice décourage les citoyens, alimente un sentiment de suspicion et de défiance, renforce les disparités en même temps qu’il mine les valeurs démocratiques et favorise la perte de confiance des justiciables ;
Conscients de l’importance de l’indépendance de la justice et de la nécessité de mettre en œuvre les réformes judiciaires proposées par les Assises nationales, la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) et le colloque organisé par l’Union des Magistrats Sénégalais (UMS) les 28 et 29 décembre 2017 et auquel la Société civile avait activement pris part ;
Nous nous engageons solennellement :
A réformer le Conseil Supérieur de la Magistrature tel qu’il suit :
1- La Composition du Conseil Supérieur de la Magistrature
Ø Le nombre de membres élus sera au moins égal à celui des membres de droit
Ø Le CSM sera ouvert aux personnalités extérieures
2- Les Attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature
Ø Le pouvoir de proposition sera dévolu aux membres du CSM et non au Ministre de la Justice
Ø En plus de ses compétences en matière de nomination et de discipline, le CSM sera habilité à donner des avis sur l’allocation des budgets destinés aux juridictions et sera chargé de donner les clefs de répartition du budget destiné aux Cours et Tribunaux
3- Le Fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature
Ø L’Institutionnalisation de la pratique de l’appel à candidatures pour tous les postes de chefs de juridictions (siège comme parquet) ce qui implique l’élaboration de critères objectifs de nomination.
Autres réformes à mener
Ø La Limitation de la durée d’exercice aux fonctions de chef de juridiction à quatre ans
Ø La Protection du principe d’inamovibilité et de renforcement du statut des magistrats du Parquet
Ø Faire respecter le principe d’inamovibilité par l’encadrement des notions d’intérim et de nécessités de service
Ø La subordination de la prorogation de l’âge de la retraite au grade et non aux fonctions
Ø Mettre fin à la tutelle fonctionnelle du Ministère de la Justice sur le Parquet par la suppression des instructions individuelles
Ø Enfin, la création d’une Cour constitutionnelle aux pouvoirs élargis pour remplacer le Conseil Constitutionnel qui se déclare trop souvent incompétent pour trancher les litiges dont elle est la seule à pouvoir connaître.