Covid-19 et droits humains

La pandémie de COVID-19 et les réponses des États face à cette situation représentent un ensemble de nouvelles difficultés et menaces pour les personnes qui militent en faveur des droits humains. En avril 2020, Amnesty International a exhorté les États à veiller à inclure les défenseur·e·s dans leur gestion de la crise, car ils/elles jouent un rôle majeur pour garantir que les mesures appliquées respectent les droits humains et ne laissent personne de côté. Elle les a également appelés à ne pas utiliser les restrictions liées à la pandémie comme prétexte pour réduire davantage l’espace civique et réprimer les dissidents et les défenseur·e·s des droits humains, ou pour écarter des informations pertinentes jugées gênantes pour le gouvernement
.
Malgré ces avertissements et les engagements pris par la communauté internationale il y a plus de deux décennies pour protéger et reconnaître le droit de sauvegarder les droits humains, Amnesty International recueille des informations inquiétantes sur les menaces et agressions qui continuent de viser les défenseur·e·s de ces droits en pleine pandémie.
Dans cette période sans précédent, les militant·e·s à travers le globe redoublent d’efforts et mènent plusieurs actions dans leur propre communauté : diffusion d’informations sur les moyens de se protéger du COVID-19, en particulier lorsque celles-ci sont insuffisantes ou contradictoires ; signalement du manque de mesures de prévention et de services de santé adéquats, ou la défaillance des tests et des équipements de protection ; aide humanitaire aux groupes victimes de marginalisation et de discrimination ; dénonciation du recul sur les questions de droits humains sous le prétexte de la législation d’urgence ; et poursuite de leur travail de longue date en faveur des
droits humains, en faisant preuve de résilience, d’adaptabilité et de détermination.

Malgré les activités importantes et nécessaires réalisées partout dans le monde par les défenseur·e·s des droits humains, Amnesty International a enregistré des dizaines d’attaques diverses à leur encontre depuis que l’épidémie de COVID-19 s’est déclarée début 2020. De nombreux États à travers la planète, y compris ceux qui plaident depuis longtemps pour la protection des droits humains, prennent pour cible ces militant·e·s et d’autres voix critiques qui dénoncent leur gestion de la crise sanitaire publique. Par conséquent, dans bien des régions du monde, les autorités s’en prennent à celles et ceux qui osent révéler et réprouver les réponses gouvernementales inadéquates, ou utilisent les mesures liées au COVID-19 et d’autres lois existantes pour réduire au silence les défenseur·e·s des droits humains.

Dans les pays où les autorités sapaient les droits humains bien avant la pandémie, la crise a fourni un nouveau prétexte pour continuer de violer ces droits, réduire l’espace civique et attaquer les défenseur·e·s des droits humains et les individus considérés comme des opposants. Elle a encore plus mis en lumière la nature politique de la détention des défenseur·e·s abusivement emprisonné·e·s avant la pandémie. En effet, alors que des milliers de prisonniers à travers le globe se voient accorder une libération anticipée, conditionnelle ou temporaire en raison des risques liés au COVID-19 dans les prisons surpeuplées, un grand nombre de défenseur·e·s ont été exclu·e·s de
ces programmes et restent injustement derrière les barreaux, subissant ainsi une sanction supplémentaire pour leur militantisme.

Celles et ceux qui vivent dans des pays où les agressions physiques et les homicides sont fréquents sont exposé·e·s et laissé·e·s sans protection. Bien que les États aient l’obligation de protéger ces personnes lorsqu’elles sont en danger, le confinement et autres restrictions des droits humains semblent avoir entraîné une réduction des mesures de protection et davantage de possibilités pour ceux qui veulent réduire ces militant·e·s au silence.

Dans le même temps, les défenseur·e·s marginalisé·e·s et fortement victimes de discrimination sont souvent exclu·e·s et oublié·e·s des réponses à la pandémie. Des droits durement gagnés sont abandonnés dans le processus, tandis que les groupes négligés voient leurs moyens de subsistance disparaître, les terres autochtones sont davantage envahies, et les femmes perdent le droit de disposer de leur corps et font face à une augmentation des violences liées au genre.

Amnesty International adresse une série de recommandations aux États à travers le monde, y compris pour les appeler à : libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes maintenues en détention uniquement pour avoir défendu pacifiquement les droits humains ; cesser de discriminer, de pénaliser, d’intimider et de mettre en danger les défenseur·e·s des droits humains qui s’expriment et contribuent aux efforts pour protéger la santé publique et gérer la pandémie ; et veiller à ce que toute mesure qui restreigne le droit de défendre les droits humains soit strictement nécessaire et proportionnelle à la protection de la santé publique ou à d’autres fins légitimes dans ce contexte en vertu du droit international relatif aux droits humains.

Le COVID-19 entraîne un ensemble de nouvelles difficultés qui ne peuvent pas être résolues uniquement par des approches descendantes. Les États doivent apprendre rapidement de leurs erreurs, s’adapter, innover et apporter des réponses flexibles et différenciées aux vastes problèmes découlant de la pandémie, ce qui n’est possible que lorsque les critiques, le suivi de la situation et les débats sont autorisés, et lorsque les divers secteurs de la société sont consultés, écoutés et encouragés à participer. C’est pourquoi les défenseur·e·s des droits humains sont des acteurs et actrices majeur·e·s dans la lutte contre la pandémie, et devraient être vu·e·s comme des allié·e·s et non comme des ennemi·e·s.

Les États doivent admettre que sans les personnes et groupes qui luttent pour les droits humains dans le monde entier, il sera quasiment impossible de faire face au COVID-19 en sauvant le plus de vies et de moyens de subsistance possible. Il ne s’agit donc pas seulement d’une obligation pour les États, il est aussi dans leur intérêt et celui de la société de reconnaître et protéger les défenseur·e·s des droits humains, et de leur permettre de mener leur travail crucial afin de limiter les conséquences les plus pénibles de la crise et de veiller à ce que les plus en danger ne soient pas laissé·e·s de côté dans le processus.